Les scénarios de la 6ème édition de l'Appel de Cthulhu 1/12
Je me suis lancé dans la lecture des scénarios parus dans la gamme de la 6ème édition de L'Appel de Cthulhu. L'objectif est d'en faire ici un petit compte-rendu afin d'aider ceux qui cherchent un scénario ou une campagne à maîtriser. J'en ai joué certains mais il s'agit généralement d'impression de lecture. Dans cet article, vous trouverez les scénarios des ouvrages 1 à 3 de la gamme (Livre de base, Secrets de New York et Oripeaux du Roi). Attention cela divulgâche beaucoup !!!
Les notes d’Arii Stef, très fiables du fait de son bon goût légendaire : 0 à 1,5 : ça sent le shoggoth moisi, 2 à 2,5 : c’est très moyen, 3 à 3,5 : bon scénario, 4 à 4,5 : excellent scénario, 5 : c’est une note réservée aux Grands Anciens
Livre : Livre de base 6ème édition
Période : Années 20
Localisation : Grande-Bretagne
Pré-tirés fournis : Oui
Format : Mini Campagne (3-5 séances)
Thèmes : Ambiance, culte, village reculé, mystère, profonds
Auteur : Samuel Tarapacki
Maîtrisé : 1 fois
Ma note : 3,5/5
Le scénario fourni avec la sixième édition française jouit d’une très bonne réputation. Il est régulièrement cité comme un des meilleurs scénarios d’initiation du jeu et certains le maîtrisent régulièrement.
Il se présente comme une mini-campagne composée de trois scénarios immédiatement consécutifs. Il se déroule en Grande-Bretagne dans les années 20. L’introduction présuppose que les personnages empruntent un petit bateau pour traverser la mer d’Irlande entre Liverpool et Dublin. Dans le premier scénario, les personnages sont bloqués sur une île abritant un phare à cause d’une énorme tempête. Ils sont confrontés à des cultistes et des créatures des profondeurs. Dans le deuxième scénario, ils se rendent au village gallois proche de Bryn Celli Ddu où leur bateau doit être réparé, c’est l’occasion d’une grosse enquête qui leur permettra de comprendre les motivations des protagonistes et de disposer de toutes les informations pour le scénario final. Celui-ci se passe à l’île de Man et vise à empêcher un rituel.
Cette petite campagne introduit habilement des situations et adversaires classiques du jeu : huis-clos, culte maléfique, rituel cosmique, village paumé et profonds… Il joue beaucoup sur l’ambiance, le huis-clos dans un phare et la tempête pour le premier scénario, le village isolé ayant développé des mœurs étranges et un culte déviant pour le deuxième et le rituel sur fond de paganisme celtique pour le troisième. Il propose également un équilibre entre action et enquête. Il évite également l’écueil d’un trop grand manichéisme avec des méchants qui sont eux-mêmes manipulés.
Je trouve néanmoins que pour un scénario de livre de base, il est fort complexe. Je le trouve complexe tout d’abord à maîtriser. Bien que MJ très aguerri, j’ai trouvé que l’ambiance ne va pas de soi, qu’elle n’est pas facile à installer et qu’elle pourra paraître parfois artificielle. Ensuite, l’enquête à Bryn Celli Ddu m’a paru peu aisée à maîtriser du fait des ramifications, des motivations diverses des PNJs, des sous-intrigues et du manque d’événements pour la rythmer. J’ai eu besoin de plusieurs lectures pour me sentir à l’aise avec le déroulé. Côté joueur, je crains que le scénario se termine sans que les joueurs n’aient vraiment compris les motivations de chacun, voire même les tenants et aboutissants. Ce manque de « lisibilité » de l’intrigue est mon principal reproche à ce scénario.
Le Ressac de Bryn Celli Ddu a le mérite de trancher avec une énième resucée de la « Maison Corbitt » et de proposer une intrigue vraiment consistante tout en restant dans le canon du jeu. Mais malgré son écriture didactique et les conseils que l’auteur prodigue, je ne suis pas sûr qu’il convienne à un MJ ou à des joueurs débutants.

Livre : Les Secrets de New-York
Période : Années 20
Localisation : Etats-Unis (New-York)
Pré-tirés fournis : Non
Format : Scénario consistant (1-2 séances)
Thèmes : Urbain, notable puissant, culte, expériences impies, sorcier, disparition
Auteur : William Jones
Maîtrisé : Non
Ma note : 2,5/5
2 scénarios concluent le supplément « Les Secrets de New York » qui décrit la plus grande ville américaine dans les années 1920. Celui-ci est le premier. Il démarre de façon assez classique, un directeur de journal les emploie pour retrouver l’un de ses journalistes qui a disparu.
Il met en scène un puissant notable new-yorkais et le culte qu’il dirige depuis très longtemps. Le scénario permet de visiter plusieurs quartiers emblématiques de New-York (dont Harlem) et fait allusion aux anciennes origines de la ville.
Il est à noter que le journaliste disparu n’est ni mort ni emprisonné ce qui est bien la seule originalité du scénario qui est confondant de classicisme.
A défaut de surprise, le scénario propose une belle opposition à des investigateurs chevronnés, pas de Byakhee ou de Sombre bête de la nuit mais des gens puissants qui n’aiment qu’on les embête dans leurs petites vengeances.
Transgression
Livre : Les Secrets de New-York
Période : Années 20
Localisation : Etats-Unis (New-York)
Pré-tirés fournis : Non
Format : One-shot (1 séance)
Thèmes : Urbain, savant fou, disparition
Auteur : William Jones
Joué : Non
Ma note : 2/5
2 scénarios concluent le supplément « Les Secrets de New York » qui décrit la plus grande ville américaine dans les années 1920. Celui-ci est le second.
Les investigateurs enquêtent sur la disparition d’un universitaire de l’université de Columbia. Ils peuvent aussi être introduits par la découverte de l’apparition de balles de base-ball numérotés dans des endroits incongrus. D’étranges coupures d’électricité frappent par ailleurs Hell Gate, un quartier de Manhattan. Ils retrouveront l’universitaire mais celui-ci est très occupé par ses expériences qui pourraient se révéler catastrophiques. L’aideront-ils ou lui mettront-ils des bâtons dans les roues ?
Le scénario est assez famélique mais il présente une situation peu commune, il s’agit de convaincre un proche de ne pas chercher à approfondir ses expériences occultes.
Cela ne m’inspire pas beaucoup mais cela peut peut-être constituer un one-shot sympathique.

Livre : Les Oripeaux du Roi
Période : Années 20
Localisation : Grande-Bretagne, Italie, Népal
Pré-tirés fournis : Non
Format : Campagne
Thèmes : Hastur, Le Roi en Jaune, Carcosa, Enquête, Asile, Voyage, Culte, Vallée de la Severn
Auteur : Tim Wiseman
Joué : Non
Ma note : 3,5/5
La première campagne traduite par les Editions Sans Détour pour cette 6ème édition ne rentre pas tout à fait dans les canons des grandes campagnes de l’Appel de Cthulhu. Mais un peu quand même. Il n’y pas de Nyarlathotep mais il y a Hastur, pas de culte inter - planétaire avec des milliers de fidèles mais un petit culte londonien avec une branche à Milan, pas de voyages sur les 5 continents mais une expédition vers l’Himalaya, pas de fin du monde évitée mais des conséquences à long terme à empêcher…
La campagne débute par une scène préliminaire où les investigateurs assistent à une étrange pièce de théâtre qui se termine dans la confusion. Il s’agit d’une mise en bouche permettant de présenter le Roi en Jaune qui n’est pas directement reliée aux protagonistes de la campagne.
L’introduction dans l’histoire proprement dire est inhabituelle. Les investigateurs sont embauchés pour donner leur avis sur un patient d’un asile : une commission se réunit bientôt pour examiner la possibilité d’une remise en liberté. C’est le début d’une enquête qui les mettra en relation avec le passé de ce patient et ses amis cultistes.
C’est le début d’une grande campagne composée de 12 chapitres réunis en 3 grandes parties appelés « Livres ». Dans la première partie de la campagne, les investigateurs enquêtent sur le passé du patient et se retrouvent à éviter que le grand ancien Hastur débarque en Grande-Bretagne. C’est pour moi la meilleure partie de la campagne, nous y reviendrons. La deuxième partie est une enquête quant aux autres membres du culte. Elle mène les investigateurs dans le fin fond de la campagne anglaise puis à Milan. Le dernière partie est une expédition en Himalaya sur les traces des cultistes italiens. Qui dit Himalaya dit Tchos-tchos et plateau de Leng, et vous aurez bien deviné.
La première partie me semble originale et intéressante à plusieurs égards. C’est le psychiatre de l’aliéné qui demande aux investigateurs un avis sur son patient. Le fait d’enquêter sur un aliéné pour statuer sur sa libération amène un angle spécial : pas de coupable à trouver, mais des amis étranges et des secrets de famille que d’aucun préfère enterrés. Cette introduction dans la campagne a été parfois reprochée : comment introduire des investigateurs aux profils divers sur cette enquête, cela semble incohérent. Je pense en effet qu’il faut créer les personnages en fonction de cette introduction, il aurait peut être même été judicieux de fournir des pré-tirés.
Ensuite, les membres du culte ne sont pas des assoiffés de pouvoir sanguinaires, ils ont chacun des motivations et des profils différents. La plupart n’est pas particulièrement violent. Ils ne sont pas tous sur la même longueur d’onde. Les adversaires de nos investigateurs ont un peu de consistance et de diversité.
Enfin, la scène finale m’a beaucoup plu. La ville extra-terrestre de Carcosa apparaît au beau milieu de l’Ecosse. L’ambiance de la ville est onirique et irréelle et les investigateurs ont quelque chose à y faire. La lecture m’a vraiment donné envie de jouer cette scène comme joueur ou comme MJ.
Cette première partie n’est pas cependant exempte de défauts. En effet, si le scénario est suivi à la lettre, j’ai l’impression que l’enquête n’avance que par la réception de lettres de certains protagonistes. Il est vraiment nécessaire de proposer d’autres indices et de se servir de cet artifice en dernier recours. Il place les joueurs en tant que spectateurs plus qu’en tant qu’acteur de l’enquête.
La seconde partie considère que les investigateurs vont essayer de démanteler le reste du culte. Son point d’orgue est constituée d’une visite dans un bled de dégénérés comme souvent dans l’Appel de Cthulhu, mais j’ai trouvé l’ambiance assez sympathique. Il faut sauver l’épouse d’un des cultistes des griffes d’un autre culte, c’est finalement assez ambiguë comme situation. Cette deuxième partie se conclue à Milan en pleine Italie fasciste. A la lecture, cette partie donne l’impression d’une transition plus ou moins réussie, cela ne m’a pas particulièrement emballé.
La troisième partie est une expédition vers l’Himalaya à la suite d’un des membres du culte londonien et des membres du culte milanais. Elle se termine par la rencontre avec le Roi en Jaune lui-même précédé par une interaction avec les Tchos-tchos, ces habitants inhumains du plateau de Leng. C’est je trouve la partie la plus problématique de la campagne. La rencontre avec un Grand Ancien est forcément un moment clé et difficile à jouer mais c’est surtout tout ce qui se passe avant l’arrivée qui pose problème. Les voyages ne sont pas toujours faciles à mettre en œuvre en jeu de rôle mais là il ne se passe quasiment rien et chaque journée est néanmoins décrite. C’est un gros challenge de tenir en haleine les joueurs uniquement par l’ambiance et l’attente. Moi je ne me vois pas maîtriser ça ou alors par une grosse ellipse, mais on rate alors le côté descente progressive en enfer.
Côté matériel, il y a les aides de jeu habituelles, en grand nombre mais pas toujours très jolies. Les cartes sont même carrément moches. Il y a quand même un chapitre de conseil sur la façon de mener la campagne mais c’est très laconique. Le scénario est plutôt bien traduit et les illustrations sont en grande majorité très moyennes.
En conclusion de lecture, j’ai aimé les Oripeaux du Roi pour son brin d’originalité et plusieurs scènes d’anthologie. La campagne n’est cependant pas exempte de défauts et je ne me vois pas la jouer telle quelle, notamment le long voyage vers le cœur de l’Himalaya. Je suis presque tenté de me contenter de maîtriser la première des trois parties.