J'ai lu : Maze of the Blue Medusa
Qu’est ce donc ?
Maze of the Blue Medusa est un supplément pour Lamentations of the Flame Princess mais peut servir pour n’importe quel jeu OSR ou ressemblant à D&D. C’est un gros donjon de 304 pièces sur 349 pages créé par Zak Smith (Zak Sabbath) et Patrick Stuart. La Méduse (le boss de fin de niveau) a créé ce labyrinthe pour y abriter trois femmes immortelles et divines, divinités d’un ancien empire, dont la bonté et la beauté sèment la ruine dans le monde par la passion qu’elles déchaînent.
Zak Smith est très connu dans le petit monde rôliste pour ses suppléments originaux, sa patte artistique (il est également peintre), son blog « Playing DnD with Pornstars » et son caractère particulier.
Petite parenthèse : Zak Smith a également défrayé la chronique pour avoir fait face à des accusations de harcèlements et de violence par son ex et subi une tempête de merde associée à ce type d’accusation. Je ne connais pas l’affaire et ne ferai pas de commentaire mais cela permet d’expliquer le caractère controversé du personnage.
Alors en quoi ce donjon bénéfice d’une certaine célébrité et pourquoi je l’ai acquis alors que je ne joue jamais à ce type de scénario ? En fait, Maze of the Blue Medusa est considéré comme ce qu’aurait dû être un donjon : une histoire qui le justifie, des idées à chaque salle, une ambiance particulière, une personnalité à ses habitants… Le supplément est aussi connu pour la beauté du livre en tant qu’objet et des illustrations.
C’est beau
La texture de la couverture, les nombreuses illustrations en couleur, le papier, la mise en page, mon dieu que ce Labyrinthe est un bel objet… Je ne suis pas forcément fan des illustrations prises une par une mais l’ensemble a une cohérence graphique et une patte indéniable. En termes d’originalité et de design, on est certainement dans ce qui se fait de mieux dans notre loisir.
Si je dois mettre un petit bémol, j’aurais aimé peut-être un format plus grand pour encore mieux profiter des illustrations.
C’est inventif
Des thèmes qui me semblent très personnels traversent l’ensemble du donjon : le sexe, l’amour, l’art et les livres. Mais les auteurs laissent souvent libre-cours à leur imagination. Afin d’illustrer la créativité des auteurs, j’ai fait un tirage de dé sur la liste des salles, et vous propose un miscellanée (les paragraphes ont été résumés) :
136 (Zone des Archives) Peau Mutin : Cette bête recherche quelque chose de vivant dans les Archives pour pouvoir l’adopter. Il essaiera pour jouer de mordre le premier PJ qui s’approche de lui. Il marmonne comme un enfant. Injecte une substance psychotrope hautement addictive à chaque morsure. Les substances injectées ont l’effet d’un sort de charme. Elles persuadent la victime que la bête est une créature mignonne et amicale. Peau-Mutin peut ainsi boire son sang jusqu’à la tuer. Les drogues sont tellement addictives que les victimes chercheront la bête si elle les abandonne.
191 Torcul Wort (Zone des Noces Funestes) : Boursouflé de grotesques globes nodulaires en or, il a du mal à se déplacer et parcourt donc en titubant sa salle jaune vif remplie d’affaires dorées, ses mains en or caressant des tablettes formées par ses paroles. Il sait ce que vous avez fait et ne s’adressera pas à vous par votre nom, mais par vos actes. « Assassin », « Voleur », « Menteur », c’est ce que vous êtes à ses yeux. Créé pour empêcher les fraudes, les crimes et les agressions, il a perçu ces transgressions chez tous ceux qu’il a vus, y compris sa mère, Sophronia Wort. Un jour, il en a eu assez et, avec autant de menteurs réunis au même endroit, il a activé la Machine Dorée, arrachant leur âme à leur corps et les transformant en fantômes dorés, sur lesquels il règne désormais.
274 Sheklesh et prison (Zone des Cellules, y sont conservés ceux que la Méduse a pétrifié) : L’enfant nu desséché et hydrocéphale hurle. Il tient une boîte dans ses mains pétrifiées. Ses doigts ne sont plus que des phalanges. Du sang a coulé sur les jointures de la boîte contenant le cube, le recouvrant d’un carcan de chair pétrifiée. Le prince Sheklesh est le dernier descendant d’une lignée royale issue de la consanguinité avec un soupçon de sang divin. Savant autiste impuissant. Seigneur des énigmes et des codes. Si on le dépétrifie, le sang gicle. La boîte se met à tournoyer. Le Prince tente frénétiquement de la re-verrouiller. La boîte s’ouvre en d4 x 10 minutes, Dendrosathol (le Démon brûleur de livre et destructeur d’idées qui a enfanté la Méduse) en sort.
C’est du Donjon !
Il ne faut pas oublier que le Labyrinthe de la Méduse Bleue est avant tout un donjon. Il y a des salles avec des monstres, des pièges, des trésors et un boss de fin de donjon (la méduse elle-même). Les auteurs ont tissé une trame expliquant l’existence du donjon certes et essayé d’expliquer qui l’entretient et ce qu’y font ses habitants. Chaque zone a ses tables de rencontres aléatoires spécifiques, a ses règles ou ses contraintes. On trouve différentes zones dans le labyrinthe. En voici quelques exemples : les Jardins, envahis par des plantes grimpantes, les cellules où sont entreposés les personnes pétrifiées par la méduse, la Galerie d’Art, où sont exposés des œuvres d’art et où se promène une tribu de décérébrés persuadés d’être des critiques d’art, ou encore les Noces Funestes, où des mariés et leurs invités ont subi une terrible malédiction Comme vous pouvez le constater, cela contraste par rapport à des donjons classiques, mais au final, cela reste une enfilade de salles et de pièces dont il faut déjouer les périls pour amasser des trésors.
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C’est décousu
L’ouvrage est à la fois extrêmement organisé et complètement décousu. Je m’explique. Le supplément se structure autour des différentes zones du donjon ayant chacun sa couleur. Dans chaque zone, les secteurs sont décrits un à un avec, pour chaque secteur, une présentation qui suit la même organisation. Cette organisation est la suivante : d’abord le plan, puis sur une page la liste des salles avec un extrait de la description, puis les tables de rencontres et enfin la description de chacune des salles, salles qui sont numérotées. Le livre débute par une présentation générale et se conclue par les conséquences de la mort de la Méduse Bleue et une liste de l’ensemble des personnages et créatures du labyrinthe. Chaque zone a sa couleur, il y a un signet : pas de doute, tout est fait pour faciliter l’exploitation en jeu.
Malgré ça, je suis assez décontenancé à la lecture et par le côté foutraque de l’ensemble. Les éléments importants comme la raison de l’existence du labyrinthe, les motivations de la Méduse, les raisons de la présence des personnages : tout cela est bien abordé, mais c’est très rapide, très synthétique, peu explicite, plutôt esquissé qu’expliqué. C’est le cas aussi souvent de nombreuses salles, pièges ou personnages. J’ai l’impression que l’auteur se laisse guider par son inspiration, son imagination… il cherche à instiller une ambiance, à proposer tout ce que sa créativité lui dicte, à permettre que la rencontre avec la Méduse soit un moment plein d’émotions. Mais c’est au détriment de la cohérence, du détail, de la vraisemblance et parfois du bon goût… La trame de fond est d’ailleurs tellement confuse que j’aurais quelques difficultés à vous l’expliquer. Si vous êtes de la team « fun & rock’n roll », vous adorerez, si vous êtes de la team « gros background léché & intrigue cohérente », vous aurez plus de mal.
Conclusion
Je suis à la fois content d’avoir pris connaissance de cette œuvre si particulière et déçu de ne pas avoir accroché. J’aurais aimé aimer cet ouvrage, mais il faut se le dire : ce n’est pas pour moi. L’objet est très beau, ça déborde d’imagination, il y a un charme indéniable, certes ! Mais cela reste une succession de salles reliées par une intrigue foutraque et finalement peu décrite. Je ne suis pas à l’aise avec le contenu et le déroulé. Arii Stef est trop cartésien et pas assez poétique. Si vous aimez vous laisser porter par une ambiance, des intrigues barrées sur lesquelles vous pourrez broder, de l’invention à chaque salle, ce scénario est pour vous. Il faut aussi aimer le côté « donjon » : c’est une succession de salles avec à chaque salle un adversaire, une énigme, un piège ou une rencontre, agrémentée de tables de rencontres. D’un point de vue personnel, je pense que je ne ferai jamais rencontrer la Méduse Bleue à des joueurs. C’est la vie !