J'ai lu : la gamme Donjon & Cie

Publié le par Arii Stef

J’ai souscrit au financement participatif de Donjon & Cie et j’avais testé une version Bêta du jeu. Je viens de finir la lecture de la gamme. Je vous en fais un retour !

Principes

Donjon et Cie est un jeu de rôles médiéval-fantastique qui propose aux joueurs d’incarner les monstres d’un Donjon. Il ne s’agit pas de n’importe quel donjon : c’est un lieu souterrain immense géré par une entreprise dont l’objet social est de dépouiller les aventuriers crédules.

Vos personnages en sont les Hôtes d’Accueil, ou Cogneurs, ils sont chargés d’éliminer les aventuriers qui ont survécu aux pièges et dangers du Donjon. Ils doivent composer avec leur superviseur, l’économe et le cartographe. Ils pourront bénéficier du soutien de membre d’autres services ou département comme la Mercatique qui conçoit les Aires Client (des concept de donjons), les Ressources Vivantes ou la Maintenance. Ils espèreront réussir leurs missions dans l’espoir de devenir Employé du Mois et accéder à la cantine des hauts responsables du Donjon.

On n’est donc dans un jeu doté d’une note humoristique avec une parodie du monde de l’entreprise et de nombreuses références aux premières éditions de D&D, mais l’objectif de l’auteur n’est pas de faire un Naheulbeuk bis. L’humour est plus grinçant et plein de références et surtout, l’ambition est de permettre aussi le jeu en campagne et des méta-intrigues.

La Gamme

La Gamme est composée d’un livre de base de 160 pages (35€), d’un écran accompagné de son livret de scénarios (25€) et d’un gros supplément appelé Secrets Excavés (en référence à Unearthed Arcana un vieux supplément d’AD&D) de 248 pages (40€). Le supplément propose des règles pour jouer à haut niveau (mode élite), de nombreux scénarios et une campagne complète.

Les livres sont de petits formats (16cm x 24cm) à couverture rigide avec des illustrations de couverture en couleur de Thierry Ségur et des illustrations intérieures nombreuses de Laetitia Combe. Ce sont de beaux objets.

Règles

Les règles sont celles du jeu d’Eric Nieudan, Macchiato Monsters. Elles puisent à la fois dans le style « Old school revival » (OSR) et dans les mécanismes modernes. Côté OSR, on trouvera les 6 caractéristiques, l’absence de compétences ou le recours aux descriptions des joueurs plutôt qu’aux jets de dés pour la perception ou la compréhension (notion de « player’s skill »). Côté mécanismes modernes, on trouvera des bouts de narration partagée, les pouvoirs spéciaux et la magie ayant des formes très libres, l’absence de jet de dés pour les PNJs ou encore la notion de dé d’usage qui simule la gestion de ressources finies (ex : flèches dans un carquois, argent, usure de l’armure etc…). Quand le personnage utilise une ressource, le joueur lance le dé d’usage associé à la ressource (ex : un 1d8 pour une ressource ∆8), s’il fait 1-3 le dé d’usure descend d’un cran, sinon il reste le même. Quand la ressource descend en-dessous de ∆4, elle est inutilisable.

Je suis personnellement allergique à l’OSR mais avec tous ces aménagements, je trouve le système élégant et fonctionnel.

Création de personnage

Comme le donjon à papa, les caractéristiques sont tirées au dé avec 3D6. Le personnage est ensuite défini par trois traits : sa race et 2 autres. Ces traits servent pour les avantages / désavantages mais n’apportent aucun bénéfice au combat et aucun pouvoir. Les races non intelligentes, trop volumineuses ou trop puissantes ne sont pas possibles pour des raisons évidentes. Le joueur choisit ensuite si son cogneur aura suivi un entraînement martial, magique ou spécialisé. Ce dernier permet qu’il obtienne divers pouvoirs ou compétences spécifiques (cracher du feu, backstab, régénération…).

Le jeu mettant l’accent sur la vie de l’entreprise, les joueurs créent collectivement 4 PNJs importants en définissant leurs traits : leur superviseur, leur cartographe, leur économe et l’employé du mois. chacun détermine aussi 3 services de l’entreprise où le cogneur dispose de faveurs (des informations ou des coups de main qu’il pourra obtenir en mission), elles sont exprimées en dé d’usure.

Univers

La particularité de l’univers de Donjons et Cie, outre son ton, est d’être à la fois défini et émergent. Beaucoup d’éléments de l’univers sont décrits : la structure de l’entreprise, ses dirigeants, le mode de fonctionnement… Cependant, beaucoup d’autres éléments sont laissés à l’appréciation ou à l’imagination du MJ voire des joueurs pour certains éléments. Par exemple, la nature et les secrets du PDG, M.Noir, sont laissés au choix du MJ avec diverses optiques proposées. MJs et joueurs sont encouragés à créer leur propre version de Donjons & Cie et à personnaliser leur environnement direct.

Scénarios

Vous ne manquerez pas de scénarios pour jouer à Donjons & Cie : le livre de base en comprend 3, le livret de l’écran 3 et Secrets Excavés 13 (sans compter la campagne). Le schéma de base d’une mission comme sont appelés les scénarios dans ce jeu est simple. Les Hôtes d’Accueil sont envoyés dans une Aire Client pour « finir » les aventuriers qui y ont survécu en veillant à préserver les « résidents » (les monstres du donjon qui ne sont pas des employés de D&C). Les cogneurs s’y rendent par l’élévateur de service et des passages secrets, ils disposent d’une carte fournie par un cartographe du service de l’Arpentage et d’un équipement fourni par l’économe. Ils seront confrontés à des complications. S’ils performent, ils auront peut-être la chance de devenir employé du mois et de manger à la cantine des « huiles » (les cadres de D&C).

Ce schéma pourrait sembler répétitif mais la variété provient de plusieurs éléments. Tout d’abord, une large part est laissée à l’imagination des joueurs par les éléments de narration partagée et l’encouragement qui est faite au MJ de ne pas prévoir la fin des scénarios. Ensuite, le côté « vie d’entreprise » et la politique associée vient mettre son grain de sel dans les missions. Enfin, l’imagination de Benoît et des autres auteurs apporte des situations vraiment variées et apportant des dilemmes d’intérêts. Le jeu se prête parfaitement à des « one-shots » mais il est conçu pour être joué sur la longueur.  

Campagne

Le supplément Secrets Excavés propose une campagne « Donjon en flammes » ainsi que des règles pour jouer à haut niveau, le mode « Elite ». En effet, la campagne est conçue pour des hôtes d’accueil ayant déjà effectué quelques missions. Elle se compose de 2 parties distinctes, la première comprend 3 scénarios et la seconde est un grand bac à sable. Elle occupe 92 pages du supplément.

La campagne les mettra aux prises avec un dragon fâché et capricieux. Elle les obligera à se rendre dans l’étrange monde du « dehors » et les mêlera à la politique du top management (les huiles) de Donjon et Cie. Ils auront l’occasion de découvrir un Donjon concurrent dont l’existence n’est pas dû au hasard.

L’intrigue de la campagne est bien sympathique. Elle prendra toute sa saveur si elle est mêlée avec les intrigues que les joueurs auront initié avec leurs relations dans la société et le système de faveurs.

Mon avis

L’auteur est un ami, mon objectivité sera toute relative. Ce préalable établi, je trouve le jeu très réussi du fait qu’il tient sa promesse : de l’humour, le goût des donjons d’autrefois avec des mécanismes de jeu modernes et légers, et la possibilité de jouer en campagne.

Je le trouve particulièrement adapté aux one-shots : nombreux scénarios disponibles, préparation courte pour le MJ, personnages créés en 15 minutes, concept compréhensible en quelques minutes par le rôliste moyen et vamos pour 2 à 4 heures de jeu !

 Y jouer en campagne ou sur une suite de scénario ? Je me verrai bien le maîtriser en « jeu de l’été » (6 séances) ou sur une campagne d’un an au club (9 à 10 séances). La seule petite prévenance que je pourrais avoir, c’est vis-à-vis de la thématique « Parodie de la vie d’entreprise ». Certains joueurs pourraient ne pas avoir envie de revivre le vendredi soir ce qu’ils vivent la semaine.

Pour revenir aux règles, j’aime bien l’équilibre entre simplicité et jouabilité, entre aspect old school et modernité. Tiennent-elles la distance sur plusieurs séances ? Je pense que oui si les tirages des caractéristiques ne déséquilibrent pas trop le groupe. Leur extrême simplicité pourrait néanmoins rebuter les ludistes hardcore, plus d’ailleurs que les touches de narration partagée ou les mécanismes innovants type dé d’usure.

En conclusion, Donjon & Cie est un excellent jeu si vous en appréciez les thèmes : humour, donjon à l’ancienne et parodie de la vie en entreprise. Il réussit le tour de force de combiner humour et rejouabilité, le goût des donjons de notre adolescence et des règles légères ainsi que de vrais enjeux de campagne, tout cela dans un bel écrin à prix plus que raisonnable.

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