Portrait de Famille - 7ème Mer - 6

Publié le par Mickey

Je poursuis mon petit retour sur l’intégralité de 7ème Mer seconde édition. Dans cet article, vous retrouverez un retour sur le supplément "Terres d'or et de Feu".

Terres d’or et de feu

Lorsque l’on cite 7eme Mer, les œuvres fictionnelles qui viennent immédiatement à l’esprit sont souvent « les 3 Mousquetaires », « Zorro » et bien sûr « Pirate des Caraïbes ». Grâce à ce dernier, on peut aussi ouvrir sur de l’exploration mystique et s’intéresser au Nouveau Monde et ses civilisations inconnues et mythiques. Mais il est rare que l’on pense instinctivement à l’Afrique. Pourtant, avec ce supplément, la gamme propose de développer le reflet John Wickien de ce continent, à savoir l’Ifri. Vu mon inculture à ce sujet, mes attentes étaient surtout liées au dépaysement et au rattachement de ce gigantesque terrain de jeu au reste de la gamme.

Mythologie

Comme tous les autres suppléments géographiques « continentaux », Terres d’or et de feu s’ouvre sur les généralités qui s’appliquent à tout le continent, à commencer par leurs croyances. Et celles-ci mettent en place l’antagoniste qui pourrait être le plus puissant de cet univers (mais dont on n’avait jamais entendu parler avant…) : le Bonsam.

Source primaire du mal, ni matériel, ni immatériel, il n’est que haine, rage et malveillance, cherchant à détruire le monde pour le reconstruire à son image. Heureusement, bien avant que les Hommes ne deviennent une civilisation, les joks, des esprits bienveillants, luttèrent contre le Bonsam et réussirent à l’enfermer dans un vaste et incompréhensible réseau de pierres ténébreuses. Ensuite, les joks se mêlèrent aux humains et offrirent aux souverains des cinq grandes contrées un trône depuis lequel régner : les sika’dwas. Malgré les conflits, ces 5 nations dirigent toujours le continent, et les joks cherchent à inspirer les valeureux dans leur lutte sans fin contre la corruption du Bonsam et de ses agents.

Cette mythologie, bien que classique de la fantasy, est assez efficace et finalement originale dans l’univers d’inspiration judéo-chrétienne de 7e Mer. Il est juste dommage que l’impact de l’existence de telles entités (que les croyants pourraient nommer « Légion » - le Satan du jeu) sur les groupes ésotériques de cet univers ne soit pas plus travaillé (à commencer par les Kreusritters ou le Collège Invisible par exemple – ou même le ratas des Sanderis, car après tout, rien n’empêche les dievai de n’être qu’une émanation du Bonsam). Nombres d’accroches peuvent relier une future exploration de ruines corrompues ifriennes à une recherche d’artefacts « sataniques » pour les détruire (ou au moins éviter que des scélérats n’en prennent possession). De plus, là encore, c’est un terrain rêvé pour remettre l’Inquisition et le Cardinal Verdugo au centre du jeu. Présenté comme comploteur et homme de pouvoir de premier plan en Theah, l’image des Inquisiteurs-conquistadors étant évidemment convoqués dans le Nouveau Monde, là encore ce groupe aurait toute sa place pour poursuivre ou déstabiliser les plans des Héros en Ifri.

Enfin, les agents du Bonsam (les « abonsams ») sont présentés, non pas individuellement, mais par catégorie. Malheureusement, ceux-ci semblent assez peu inspirés (des Monstres sauvages, en passant par des manipulateurs télépathes et autres voix oniriques) car manquant de PNJs ou d’exemples de situation pour bien se les approprier – même si certains seront présentés dans certaines Nations du supplément.

Passons maintenant aux 5 nations qui peuplent ce continent.

L’Empire Aksoumite

Berceau de la civilisation humaine, et première nation à se voir gratifiée d’un sika’dwa pour ses politiques de conquête par l’intégration au lieu des armes, ces terres furent toutefois convoitées à maintes reprises.

Il n’est pas rare que les enfants aksoumites soient contactés par des abonsams regorgeant de promesses et de dons, pour les pousser à commettre des actes de plus en plus vils. Une organisation cherche donc à repérer ses enfants, le dscah ru – dirigé par le « sorcier de l’Empereur », et leur enseigne le Melbur, où comment pactiser avec leur abonsam en toute sécurité.

Alors que la liberté de culte était la règle pendant des siècles, l’Eglise hibiri (une branche autonome de l’al-din fondée par le Second Prophète lui-même et où son tombeau est devenu l’équivalent local de la Mecque) s’est dernièrement radicalisée et persécute les autres religions. Ceci servit de prétexte au prince mandenian Adegoke, profitant du pèlerinage de son père, pour déclarer la guerre à l’Aksoum. Ce qui devait être une victoire rapide, surtout lorsque Rada, le sorcier Melbur de l’Empereur disparu mystérieusement, se transforma en bourbier grâce aux neiyis (« logopoliens ») – ces experts probabilistes aksoumites dont les analyses passent pour de la préscience aux yeux des profanes. Au retour du roi, ce dernier proposa en signe de paix la main de son propre fils agresseur contre celle de la princesse Mehret d’Aksoum. L’empereur Makonnen accepta, mais cherche d’autres alliés en cas de duperie, notamment en se réjouissant du futur mariage du prince et ambassadeur aksoumite Amalk Bey avec la reine khemet Twosret, qui lui assurerai un soutient militaire conséquent.

Les enjeux locaux m’ont paru assez classiques : diplomatie, manipulations et possible résurgence de la guerre sur fond de radicalité religieuse.

Le Khemet

Plus ancien royaume de Terra, voici l’Egypte antique de 7e Mer. Il est dit qu’à l’aube des temps, les ténèbres régnaient, jusqu’à ce que 9 joks – les énnéades – firent construire d’immenses obélisques recouverts de pictogrammes et d’un métal bleu venu des étoiles, et offrirent un sika’dwa en échange de la révérence intemporelle des humains : ceci fut le Pacte des très-haut. Dans chaque province, une gigantesque pyramide fut construite comme demeure pour les énnéades. Alors, les obélisques se mirent à luire d’une lueur bleutée. Et, pour la première fois, le soleil se leva sur le Khemet.

Mais, lorsqu’un roi qui venait de perdre sa femme dans une guerre qu’il avait lui-même déclenché se tourna vers une sombre sorcellerie dévorante – le Heka - pour lui redonner vie, les énnéades déclenchèrent un cataclysme qui inonda tout le Khemet. Ravagé, même les lueurs des obélisques faiblirent.

Petit à petit, le royaume se redressa, et lorsqu’un prince rencontra le Prophète Khalil, l’al-din se répandit dans la société à mesure que les collaborations avec l’Aksoum et l’Anatol Ayh enrichissaient les très-haut. Cette caste dirigeante, vue comme sacrée par les énnéades elles-mêmes, seule détentrice des secrets mystiques et du pouvoir politique, ont tous les droits sauf celui de procréer avec une autre caste. Ainsi, la société resta très conservatrice et si le Khemet était puissant et ancien, il ne rayonna pas hors de ses frontières.

Puis, il y a peu, la reine Twosret, écartée du trône par son cousin Makaret, quitta le palais en furie. Elle rencontra alors un séduisant étranger et vécu une nuit d’amour avant de se réconcilier avec Makaret et de l’épouser. Neuf mois plus tard naissait le prince Siptah. Et la même nuit, Makaret fut assassiné. Dès le lendemain, le soleil regagna en intensité. Les prêtres déclarèrent le prince héritier comme une bénédiction.

Mais très vite, l’amour de la reine pour son fils tourna à la paranoïa et elle le fit envoyer loin de la cour, au palais Kyber, sous haute sécurité et où personne ne pourrait le menacer ni le pervertir. Une prison fleurie et paradisiaque, où la reine fait envoyer des enfants des très-haut pour tenir compagnie à son prince, qu’ils soient d’accord ou non. Et si la région de Kyber jouit d’un printemps perpétuel, le reste du royaume vit à nouveau les jours et l’intensité du soleil décliner, jusqu’à n’avoir que 8 heures de lueurs actuellement.

En conséquence, les cultures se firent de moins en moins bonnes, les prédateurs de plus en plus agressifs sur les troupeaux et les caravanes, et la famine fit son retour, poussant de plus en plus de pauvres gens au banditisme – ajoutant la misère à l’insécurité. En réponse, la reine déplaça les gardes pour sécuriser les biens des très-hauts qui lui étaient fidèles – au détriment du peuple, et augmenta les impôts pour continuer à nourrir la cour. Les collecteurs sont désormais obligés de se déplacer avec une importante garde, et sont souvent vu comme du racket organisé. Dépendant de plus en plus des importations, la reine finie par déclarer esclave toute famille insolvable, permettant de réaliser les grands travaux que Twosret désirait. Devenue totalement dépendante de cette main d’œuvre gratuite, l’économie Khemet assèche son propre peuple et s’est massivement tourné vers la Compagnie Commerciale Atabéenne ou aux pirates.

La cour est donc désormais partagée entre les fidèles qui bénéficient encore des faveurs de Twosret, et ses opposants qui souhaitent accélérer l’accession au trône du prince Siptah. Mais ce dernier est inaccessible, et les rares rumeurs sortant de Kyber parlent de quelqu’un de vraiment bizarre… comme d’un autre monde…

Ces luttes intestines poussèrent la reine à prendre un époux pour alliance. Amlak Bey, un prince aksoumite, invoqua alors secrètement un djinn pour envoûter la reine avec des promesses de pouvoir. Que cela ait fonctionné ou non, le mariage avec le prince Amlak a été annoncé.

Ainsi, au Khémet, l’enjeu tourne clairement autour du déclin (des jours, de la sécurité), ainsi que de la paranoïa de la Reine et de l’espoir teinté de terreur qu’inspire le Prince (est-il seulement humain ?), le tout dans un décor pyramide-fantasy assez pulp.

Le Maghreb

Le Maghreb n’est pas qu’un immense désert aride, mais aussi une côte parsemée de ports cosmopolites et de savanes cultivant le fameux indigo faisant la richesse de la région, le tout sous la gouvernance de la Reine Bleue. Sorcière et prophétesse, la Reine vient de s’exiler dans le désert pour découvrir l’origine d’une grande guerre à venir et comment y mettre fin.

La région propose quelques possibilités de complots géopolitiques, notamment avec un duc montaginois qui espère bien faire main basse sur le commerce à forte valeur ajoutée en échange de troupes, alors que les incursions de pillards khémets et de monstres venus de Mbey augmentent. Par ailleurs, les rumeurs de camps d’entraînement de mercenaires de la Compagnie situés dans le désert, peuvent créer une surprenante rencontre, aux enjeux importants.

La Kurufaba Mandéniane

Fédération (« kurufaba ») de 5 régions pacifiées depuis près de 4 siècles, cette nation regorge des mines d’or les plus prospères de Terra. Son peuple est présenté comme le plus riche de tout les temps… attirant d’énormes convoitises. Son dirigeant, le mansa Kankan, parti 5 ans en pèlerinage, son fils en a profité pour déclencher une guerre contre le voisin aksoumite. Mais en lieu et place d’une victoire éclair, le conflit s’enlisa jusqu’au retour du roi, qui en gage de paix promis la main de son fils.

Emplit d’un message de paix du Second Prophète, le Mansa initia le plus grand projet de diplomatie jamais crée : une fédération internationale dédiée à la paix. Cette ville possède de nombreuses ambassades, et certains représentant sont présentés avec leurs ambitions et complots.

Par ailleurs, le mansa a fait construire des chantiers navals pour s’affranchir de la Compagnie Commerciale Atabéenne. Cette dernière n’est pas dupe, et a réussi à y infiltrer un saboteur. Mais peut-être que le danger ne viendra pas de l’extérieur, car les locaux réquisitionnés pour travailler commence à se rebeller, d’autant que les chantiers ne dynamisent pas tant que cela l’économie locale.

Ce chapitre me semble écrit pour proposer un immense bac à sable diplomatique à portée mondiale (il y a même un représentant d’une région pas encore décrite de Terra : l’équivalent du Québec), avec des enjeux assez importants de paix et de richesses, mais nécessitera un gros travail d’improvisation.

Le Mbey

A son apogée, le bourba du royaume de Mbey recouvrant 5 provinces vassales, régnait sur toute l’Ifri et le commerce maritime ouest et reçu l’une des sika’dwas. Mais il y a quelques années, lorsque la Compagnie Commerciale Atabéenne s’intéressa à l’Ifri, elle dressa méticuleusement les ethnies les unes contre les autres, jusqu’au conflit armé, dont il fournissait les épées et autres mousquets contre les prisonniers de guerre, qu’ils envoyaient dans les plantations atabéennes. Ce conflit entraina le bannissement de tous les navires mbeyins des ports ifriens, coupant le peuple de leur principale richesse extérieure. Puis lors du siège de la capitale, Lougua, la Compagnie mis à prix la sika’dwa elle-même. Le bourba Ighodalo prit peur et missionna ses meilleurs hommes pour éliminer discrètement tout étranger en ville, violant l’un des serments d’accueil les plus importants de la culture mbeyienne.

Mort de honte et de colère, les fils du bourba eux-mêmes volèrent le trône sacré pour l’apporter aux maîtres de la Compagnie en guise d’honneur. Ils furent récompensés par le cachot et plus personne n’entendit parler d’eux. Sans sika’dwa pour assoir son pouvoir politique, et sans ses précieux enfants, le bourba perdit la raison et se tourna vers la seule force qui lui semblait encore capable de résister à l’envahisseur esclavagiste : il envoya ses troupes dans le Domaine du Bonsam, déterrer les monolithes noirs, pour les ramener à Lougua, où attendaient une femme fragile d’âge indéterminé, à la peau fripée et au ventre distendu : Chitendu. Elle réunit le bourba et ses 5 vassaux pendant 4 jours. Au sortir du conseil, Ighodalo arborait une longue lanière de cuir autour du cou soutenant 5 cœurs rabougris encore battant, et avait obtenu une indéfectible fidélité de ses affidés.

Le bourba Ighodalo dirige la nation depuis le Trône des Pierres Brisés, mais il ne parle jamais sans que ses conseillers n'aient modifié chaque mot. Le peuple est partagé à son propos : oui il a brisé l’une des plus ancestrales coutumes en faisant assassiner tous les invités colons, mais il a aussi réussi à repousser la Compagnie et la guerre. Oui il a perdu le sika’dwa, mais ce sont ses propres fils qui l’ont offert à la Compagnie et l’ont payé de leurs vies. Oui le Mbey est privé du soutien des joks, mais le bourba a trouvé une autre protection dans le Bonsam.

Aujourd’hui, les fouilles se poursuivent encore dans le Domaine du Bonsam, bien que celui-ci soit recouvert d’une constante brume opaque malsaine. La région était autrefois le grenier du royaume, mais aujourd’hui ne produit plus que de rachitiques tiges malades, ajoutant les risques de famine au malheur des mbeyins. Par ailleurs, le Mbey a embrassé le commerce de l’or, d’armes et d’esclaves avec la Compagnie et a de nouveau accès via leurs navires au commerce international, dont notamment la Montaigne. Mais bien malin celui qui sait qui profite de qui…

Avec le Mbey, 7e Mer n’est jamais aussi inspirant que lorsqu’il accepte sa noirceur et a déjà basculé vers le drame. Ce chapitre s’inspire du Dahomey, de sa colonisation mais aussi de sa résistance, avec les guerrières lionnes. A ce titre, regardez le film “The woman King” au sujet de cette période assez peu connue – une inspiration esthétique immédiate pour le Mbey !

On peut donc ici imaginer facilement des jungles épaisses, brumeuses et malsaines, parcourues d’expéditions de colons cherchant tant à libérer un esprit pour affaiblir leurs adversaires, qu’un savoir ancien bouleversant toute la théologie connue, ou avançant discrètement pour un assaut contre les forces de la Compagnie. Rajoutons à cela que la majorité des esclaves jaraguayiens sont originaires de Mbey et cherchent à retrouver leurs origines – ou au moins les libérer de l’esclavage ; que d’autres nations cherchent à avoir accès au continent via les ports mbeys et donc que les côtes sont assez concurrentielles, vous avez un grand décor pour jouer !

Bilan

A nouveau, la carte géographique est pour le moins surprenante. Iu Neserer, la grande mer intérieure abritant un volcan où vivraient les joks est très intrigante, mais pas particulièrement décrite ni évocatrice.

De même, comme pour le reste de la gamme, l’intégration de l’Ifri au reste de l’univers se révèle un peu faible car développé à postériori, ce qui limite les bonnes idées du bac à sable diplomatique de la kurufaba internationale.

A titre personnel, hormis un éventuel passage sur les côtes disputées du Maghreb et les obélisques lumineux lors d’une journée sombre en Khémet, je ne me vois réellement utiliser que le Mbey. Pour autant, Terres d’or et de feu n’est pas un mauvais supplément en soi, mais j’aurais vraiment aimé un développement plus travaillé de la thématique Bonsam, qui peut être sacrément porteuse. En faire un élément majeur du lore, pourtant pas sur un continent « classique » du KPDP, aurait à mes yeux été une ouverture bienvenue de la gamme. Pour cela, en faire le seul « esprit » répondant aux sorcelleries Sanderis, chassé par l’Inquisition qui y voit (à juste titre ?) la résurgence de Légion, aurait un charme fou. Bien sûr, rien n’interdit au MJ de construire cette trame, mais cela demandera une bonne connaissance de l’univers et un travail de synthèse pour garder une certaine cohérence avec le reste de la gamme.

Publié dans 7ème Mer

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