J'ai testé pour vous : Troubleshooters les Risque Tout
Circonstances
J’ai acquis il y a quelques temps ce jeu. Il est d’ailleurs en déstockage au moment où j’écris ces lignes. Il a pour ambition de faire vivre les aventures de héros d’une bédé franco-belge en jeu de rôle. J’avais écrit dans un article mes impressions de lecture. J’étais assez mitigé sur l’atteinte de l’objectif et j’avais des interrogations quant à la capacité des règles à favoriser l’ambiance Bédé. Lors d’une convention ludique (Blagnac Joue), j’ai proposé une partie en préparant le scénario du kit d’introduction (disponible gratuitement en pdf). J’ai réuni trois joueurs, tous rôlistes. Ils ont choisi comme personnages parmi les prétirés le vétéran britannique, le cambrioleur et la journaliste japonaise. L’objectif était pour moi, outre de faire passer un bon moment à mes joueurs, de confronter les règles et l’expérience de jeu à l’ambition de l’auteur. Vais-je ranger le jeu dans un coin de la bibliothèque ou aura-t-il un sort plus enviable dans ma ludothèque comme jeu à one-shot ou même future campagne ?
Le scénario
Qui dit « Kit d’introduction » dit scénario. « Expédition Minos » propose d’envoyer nos héros sur la piste d’un archéologue dont on n’a plus de nouvelles et d’un trafic d’œuvres d’art antiques. Il se compose de trois phases : une enquête à Athènes, une visite sur l’île où ont lieu les fouilles et le repaire des trafiquants (un entrepôt sur le port du Pirée).
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Jeu de rôle n’est pas bandes-dessinées et on sent que le scénario essaye le grand écart entre éviter la linéarité et proposer des scènes haletantes mais scriptées. Après l’avoir joué, j’ai trouvé qu’il s’en sort tout à fait honorablement dans cet exercice difficile.
J’ai tenu les trois heures de jeu : j’ai mis la scène optionnelle de la perte des bagages à l’arrivée qui permet de dynamiser un peu l’introduction. Les joueurs ont fait à peu près ce qui était attendu dans le scénario : trouver le lieu des recherches (en « visitant » l’appartement des archéologues à Athènes), libérer les archéologues puis intervenir sur l’entrepôt en prévenant la police. Ils sont passés à côté de la piste sur les commanditaires, surtout par manque de temps (nous n’avions que 3 heures).
Si j’ai un reproche à faire au scénario, c’est plutôt dans son introduction. Tout d’abord les accroches scénaristiques par personnage ne sont pas exposées lors de la description de la première scène mais beaucoup plus loin. Celles-ci ne sont d’ailleurs pas fantastiques parfois très plan-plan voire tirées par les cheveux. Je pense qu’un mécanisme plus coopératif pour les entrées en matière devrait permettre de faire émerger de bonnes idées. L’autre possibilité pour mieux introduire le scénario serait d’utiliser des techniques habituelles de narration comme une scène « in media res » avec explication a posteriori de la raison pour laquelle ils se trouvent là ou à l’autre extrémité du spectre de commencer par une scène de vie quotidienne des héros dans laquelle s’immisce le sujet du scénario. Cela permettrait une entrée en matière plus rythmée ou plus personnalisée.
Les règles
Les règles de Troubleshooters apparaissent, à la première lecture, assez ternes : des compétences en pourcentage sans caractéristiques. Quelques twists existent cependant. Les bonus ne s’expriment pas en pourcentage comme dans le système Basic mais en Pips : +2 Pips et tous les tirages dans les unités sont inférieures ou égales à 2 réussissent même si le tirage est au-dessus de la compétence. Autre twist : tous les doubles sont des succès ou des échecs critiques. Les personnages disposent aussi de capacités spéciales liées à leur profil. Ces règles ont finalement été beaucoup plus dynamiques et porteuses de jeu que je ne l’imaginais. Les joueurs ont vite compris l’intérêt des pips et tenté de les obtenir en cherchant des bonnes situations.
D’autres points en revanche m’ont moins plu comme les combats et notamment les dégâts. De nombreuses fois, le joueur a réussi son action mais aucun dégât. Totalement inintéressant.
Les points de récit
Venons-en aux points de récit. Ces points se gagnent quand les joueurs font des doubles ou qu’ils acceptent des situations embarrassantes (échouer à cause de leur défaut ou se faire capturer). Ils se dépensent pour gagner des bonus, activer des capacités spéciales ou encore ajouter des éléments narratifs. A la lecture, ils ne m’avaient semblé que des points bonus comme il en existe dans beaucoup de jeux. En jeu, ils se sont révélés un vrai moteur de jeu et de narration. Après un temps d’adaptation, les joueurs n’hésitaient pas à mettre leur personnage en difficulté pour les obtenir et surtout les utilisaient pour obtenir des effets qui leur semblaient appropriés au style Bédé. Une « économie » (encaissement / décaissement) de ces points de récit s’installe dans la partie et elle favorise élégamment l’initiative narrative des joueurs. Ces points de récit sont la vraie bonne idée du jeu. Je les valide à 100% à l’aune de cette partie test.
Conclusion
Ce fut une belle surprise que ce test. Vous l’aurez compris, j’ai beaucoup aimé l’utilisation des points de récit. Une fois que leur potentiel d’utilisation a été compris, les joueurs se sont emparés de leurs possibilités. Finalement, ce système donne un pouvoir narratif cadré aux joueurs. Je l’ai trouvé plus productif que les systèmes où les joueurs interprètent à posteriori le résultat quand ils ont réussi l’action. Il a bien favorisé le « play to lose » sur les défauts également.
Il n’en reste pas moins que j’ai trouvé des défauts, certains que j’avais anticipés, d’autres qui sont apparus. Je n’avais pas vu par exemple que le système de dégâts est vraiment problématique. Cela ralentit beaucoup le jeu, ce sera à modifier, quitte à supprimer complètement la vitalité. Je regrette toujours que le jeu n’ait pas prévu de système de création de séries. Cela aurait vraiment été sympa d’imaginer une série collectivement. J’ai toujours la même interrogation sur ce qui rend l’ambiance « Bédé franco-belge », certains pouvoirs des pré-tirés amenaient vraiment quelque chose (le pouvoir de la journaliste judokate), d’autres étaient très fades.
Toujours est-il que cette partie m’a bien donné envie de continuer sur ce jeu. Il ne rejoindra pas tout de suite un coin poussiéreux de ma ludothèque, je pense que je ferai encore un one-shot ou deux et pourquoi pas un jour une campagne.