Légendes Tahitiennes : la religion, les dieux et les esprits
Cet article pour Légendes Tahitiennes s'attache à la description de la religion des tahitiens des temps anciens.
Pour la première fois de sa vie, Paraita assistait à une cérémonie sur le marae. Avec les autres ari’i de sa chefferie, il entra sur l’esplanade. Une pierre dressée indiquait la place de chacun d’entre eux sur le temple en plein air. Le silence était le plus complet. Les prêtres, les Tahu’a pure, se tenaient entre les chefs et l’autel à trois étages (l’ahu) où se trouvaient les statuettes qu’allaient bientôt investir les dieux. Ils portaient un morceau de tapa autour du bras indiquant qu’ils étaient en service. Sur le mur d’enceinte du marae étaient assis les hommes trop communs pour être acceptés sur le marae. Tous se taisaient de peur de briser le tabou du silence imposé par une telle cérémonie de convocation des dieux. Violer le tabou reviendrait à se condamner à mort : tous se jetteraient sur le contrevenant afin de le sacrifier pour calmer le courroux du dieu ainsi offensé. Le roulement des tambours sacrés indiquait le début de
La religion est omniprésente dans la vie des tahitiens. C'est une religion à la fois polythéiste et chamanique. Elle est polythéiste car les tahitiens croient en une multitude de dieux. Elle est également chamanique car pour les tahitiens le monde est peuplé d’esprits. Elle se caractérise aussi par la notion de sacré et de profane et de danger du sacré. Le culte et les tabous (tapu) servent notamment à maintenir cette séparation. Vous allez donc découvrir dans ces pages les dieux et les cultes que les personnages côtoieront.
Pour les Maohis, les dieux ou atua ne sont pas des personnifications des éléments naturels. Ils ont chacun une personnalité propre. Contrairement aux dieux grecs ou romains, leur champ d'action n'est pas limité à un seul type d'élément ou de fonction, de nombreux dieux disposent d'innombrables attributs. Le culte qui leur est voué vise à contenir leur colère, à assurer leurs faveurs et à séparer le divin du profane. Les dieux ne sont en aucun cas des puissances morales : elles ne demandent pas aux hommes de se comporter selon une certaine éthique. Les dieux peuvent eux-mêmes se comporter de façon totalement amorale. Ils attendent cependant de leurs descendants, les chefs, d'agir en "bons seigneurs" et d'être justes. Mais enfreindre cette attente n'est généralement pas préjudiciable aux chefs.
Dans l'archipel maohi, cinq dieux surpassent tous les autres en prestige. Il s'agit de 'oro, Ta'aroa, Tane, Ro'o et Tu. Il existe une multitude d'autres dieux. Localement (dans une île ou un mataiena'a), il est possible qu'une importance particulière soit attribuée à ces dieux pour des raisons généalogiques ou légendaires.
De nombreux dieux mineurs, locaux ou ancestraux sont vénérés. Ils sont l'objet de cultes parallèles aux grands Dieux ou dans des cercles particuliers (pêcheurs, familles...). Certains sont connus dans presque tout le monde polynésien comme Hiro, dieu de la pêche et des voleurs, ou Hina, déesse des femmes et de la lune.
Les dieux sont également connus sous de nombreux aspects que parfois les plébéiens prennent pour autant de dieux différents. Par exemple, on différencie les manifestations de ´oro le noble, de ´oro au combat ou de ´oro le cochon révélant des secrets. Ces différents aspects se manifestent dans des animaux ou des plantes différentes mais restent un seul et même dieu.
Les dieux résident dans les dix cieux, la terre, l’océan ou le monde souterrain du Po. Ils visitent
Ta’aroa
Appelé Tangaroa aux Paumotu
Ta´aroa (en tahitien : l’unique) est le dieu créateur, l’origine du monde, le père des dieux, de la terre et de l´homme. Ta’aroa existe depuis toujours. A l’origine, il vivait dans une coquille. Il finit par la briser et se rendant compte qu’il était seul, il créa le monde, les dieux et les hommes.
Il créa la fondation du monde et avec l’aide d’autres dieux et de Maui, il sépara
Il est également le père de ´oro et de nombreux autres dieux.
Son image sacrée (to’o) est généralement creuse. Ses to’o disposent d’une fente dans le dos dans laquelle on place des plumes sacrées et les images des dieux nés de Ta’aroa. Son to’o représente parfois les autres dieux germinant de Ta’aroa.

Les animaux emblèmes du grand dieu se comptent par dizaines : la frégate, la baleine, la raie (le marae flottant de Ta’aroa), le requin ou la tortue font partie de ces animaux qui servent de messagers de Ta'aroa ou dans lesquels le grand dieu aime à s'incarner.
Aux Paumotu, Ta’aroa s’appelle Tangaroa-i-te-po. Il est le dieu des ténèbres et de la mort. En effet, il règne sur le po, le royaume souterrain des morts. Il y fut rejeté par trois héros humains après la tentative du dieu de brûler le monde.
Tangaroa devait à l'origine être un dieu de la mer et de la pêche. A partir de Havai’i (actuelle Raiatea), son culte s'est répandu dans toutes les îles où il a pris le rang de dieu suprême avant l'avènement de 'oro.
Tane
Tane (en tahitien : homme) est le Dieu de la beauté, de la lumière et tout ce qui est au ciel. Il réside dans le dixième ciel, où il a la garde de l’eau des dieux, le Vai-ora-a-Tane.
Tane est un fils d’Atea, le dieu de l’espace. Il est né sans forme et ce sont des dieux-artisans qui le façonnèrent avec leurs outils de la manière la plus parfaite. Ces artisans ne touchèrent jamais Tane de leurs mains car il était empli du ra’a d’Atea.
Sa forme est celle d’un humain et il fut d’ailleurs le premier dieu à avoir des cheveux (les autres avaient des plumes).
Les dieux Ta’ere et Tumu-nui menèrent une guerre contre Tane et les hommes. Tane, fou de rage, faillit détruire les hommes en les transformant en pulpe avec sa grande massue. Mais, grâce à Ro’o, son messager et dieu de la paix, la concorde fut rétablie.
Tane est également appelé le dieu siffleur car il respire lourdement, notamment lors de ses colères légendaires.
Ses aspects sont Tane au souffle lourd, Tane aux nombreux amis, Tane l’ami du ciel, Tane ami des armées.
Ses animaux de prédilection sont l’hirondelle de mer (il en a toujours une sur l’épaule), les oiseaux à plumes rouges (des oiseaux rouges vivent sur le vai-ora-a-Tane), les anguilles à oreilles et le requin.

Aux Paumotu, Tane mena une guerre contre Atea. Exilé chez les hommes, il apprit à manger. De retour dans son ciel, il ne trouva rien à manger, alors il mangea d’autres dieux et inventa ainsi le cannibalisme.
Historiquement, avant l'avènement de Ta'aroa, Tane était considéré dans de nombreux archipels comme le plus grand des dieux. Il était le dieu créateur, l'homme ayant été façonné de sa propre main. Il est resté ce dieu suprême à Aotearoa (actuelle Nouvelle-Zélande) et à Te Fenua Enata (actuelles îles Marquise).
Tu
Tu (en tahitien : stabilité) est un dieu de la guerre. Il est également l'artisan de Ta'aroa. Il fut créé par Ta’aroa pour devenir sa main. Il a assisté le grand dieu dans la création de l'univers et son aide a été déterminante dans la création de l’homme.
Assez paradoxalement, l’un des aspects de ce dieu de la guerre est d’être le protecteur des fuyards.
Les animaux de prédilection de Tu sont les grillons, les papillons et les grosses araignées.
Tu est le dieu le plus vénéré aux Paumotu. C’est un dieu de la guerre connu dans tous les archipels.
Ro'o
Appelé Rongo aux Paumotu
Ro'o est un dieu bienveillant. Il déteste les sacrifices humains. C'est un dieu de l'agriculture, de la paix et de l'éloquence. Il est le sage, le messager, le gardien des traditions. Il est associé à Tane comme son messager, sa voix. Il est le conciliateur, celui qui règle les conflits par le dialogue. Il a négocié la paix entre Tumu-nui, Ta’ere d’une part et Tane d’autre part.

Ro’o est né dans un nuage doré et gelé nommé Faurourou. Ro’o aime à se déplacer par ce moyen.
Sous le nom de Rongo ou Lono, ce dieu est également connu dans tous les archipels.
‘oro
Paumotu : Koro
‘oro est le fils de Ta'aroa et de Hina-tu-a-uta. Il a été élevé à Opoa par le mari de Hina-tu-a-tua. C'est un dieu de la guerre qui apprécie les sacrifices humains. C’est aussi un dieu de la fertilité. La secte Arioi est un cadeau de ‘oro à ses frères et se trouve donc sous sa protection. Il est le dieu le plus vénéré l’archipel maohi à l'arrivée des européens. Le marae de Taputapuatea lui est consacré.
Ses animaux de prédilection sont la frégate, le cochon sauvage et les oiseaux à plumes rouges.
Quand un cochon domestique entre en fureur, c’est qu’il est possédé par ‘oro révélant des secrets.

Historiquement, on ne sait si c'est la perte des contacts avec les autres archipels qui a limité l'extension de son culte ou si c'est l'hostilité qu'il a rencontrée dans les autres archipels qui a coupé les contacts entre les différentes régions du triangle polynésien.
AUTRES DIEUX IMPORTANTS
Hiro, dieu de la navigation et de la pêche dans la plupart des îles, vénéré par les pêcheurs, les marchands, les voleurs et les navigateurs. Hiro est également un héros mythologique très connu.
Hina te Marama, déesse de la lune et des femmes, symbolise la beauté. Elle est la protectrice des serviteurs de marae, les Opu-Nui. De nombreuses autres déesses portent le nom de Hina.
Romi-Tane, dieu du paradis des riches, le rohutu noanoa.
Tino-rua est un dieu de l’océan. Il a deux corps joints. Un est divin, l’autre est humain.
Rua-hatu est également un dieu de l’océan au corps mi-homme, mi-espadon. Ses colères n’épargnent personne, pas même les ari’i. Il vit dans le moana ‘urifa (océan malodorant). Les poissons sont ses épouses. Il est le créateur des passes.

Atea est le dieu de l’espace et du ciel. Né femme, il échangea de sexe avec Fa’ahotu.
Ra´a, dieu de la sainteté, de la gloire, de la grandeur et de la colère. Il préside les cérémonies des Hommes. Le vent destructeur est le signe de sa colère.
Tumu-nui est un dieu qui a aidé Ta’aroa à façonner le monde. Aidé du dieu Ta’ere, son arrière-petit-fils, il mena une guerre contre Tane et les hommes.
To´a-Hiti, dieu des montagnes et des lutins, dieu de l’intérieur de Tahiti, protecteur des voyageurs. Les chiens sont ses messagers.
Ro’o-te-roro’o, le prieur chanteur, est un dieu de la prière, de la transe et de la guérison. Il est appelé Ro’o le second pour le différencier de Ro’o le messager de Tane.
Pere est une déesse mineure de la terre et du feu qui deviendra célèbre à Havai’i-a sous le nom de Pele. A Tahiti, elle est la sœur de Tama-ehu (enfant blond).
Rua-tupua-nui est dieu à la fois querelleur et joyeux. Il vit au centre de la Terre dans un royaume à la chaleur suffocante. Il est le père des étoiles.
Ta’ere est le dieu de la connaissance, un dieu au grand mana.
Io (ou Kio): Chez les Tahu’a de haut rang, on vénère un dieu secret et connu des seuls Tahu’a, Io, le dieu suprême et unique dont les autres dieux ne seraient que des facettes. L'existence de ce dieu n'est pas prouvée, il aurait pu être inventé après la christianisation des îles pour donner une apparence de monothéisme à la religion ancienne. Au Meneur de jeu de décider de l'existence de son culte ou non.
Les mythes tahitiens sont très riches et il en existe de nombreuses versions. Ils sont transmis oralement de générations en générations. Voici une synthèse de quelques mythes importants :
L’origine du monde
Ta'aroa est à l’origine de tout. La coquille de son œuf constitue la terre et le ciel. Ses plumes tombés à terre ont créé la végétation. Sa main est le dieu Tu qui participa au façonnement du monde. Les nombreux dieux sont nés par germination de Ta’aroa ou sont ses descendants directs.

La séparation du ciel et de la terre
Le grand problème des dieux fut de séparer le ciel (Atea) de
Organisation du monde
Le monde pour les maohis est composé du monde terrestre, du monde sous-marin, du monde des ténèbres (le po) et de 10 cieux superposés (7 selon une autre version). Les dieux principaux résident la plupart dans le ciel le plus haut, mais certains élisent domicile dans le monde sous-marin, le po ou les autres cieux. Pour visiter le monde terrestre physiquement, ils s’incarnent dans des animaux ou empruntent les arcs-en-ciel.

L’origine des îles
C’est Ta’aroa qui a ordonné aux îles de surgir de la mer. Havai’i et Pora Pora furent les deux premières à naitre, puis vinrent toutes les autres : ‘uporu, Maupiti, les Paumotu, Ma’areva... Tahiti a une origine particulière, puisqu’elle est une anguille possédée par l’esprit de la vahine nommée Tere He dont la course fut arrêtée au milieu de l’océan par le héros Ta’i-a rapu.
L’origine de l’homme
Le premier homme, Ti’i, fut créé par Ta’aroa à l’image de Tane pour peupler
La mort
En ce qui concerne les mythes sur la mort, l’âme du corps doit être par certains rites obligée de quitter
L’esprit des morts peut revenir sur Terre, notamment pour protéger ou punir les membres de sa famille. Celle-ci rend d’ailleurs un culte domestique aux chefs de famille décédés.
Une coutume étrange est associée au décès d’un ari’i régnant. Des hommes prennent un costume de deuil et la nuit sortent de la maison où se trouve le corps de l’ari’i. Ils sont armés de grand paeho et tuent les gens qu’ils rencontrent.

Les héros
De nombreux mythes font état de héros légendaires, des demi-dieux. Ces héros n’ont généralement pas de culte qui leur est consacré, mais leur légende est maintes et maintes fois répétée. Ils sont des exemples auxquels on se réfère. Voici quelques héros célèbres :
Maui aux huit têtes qui sépara le ciel et la terre et arrêta la course du soleil.

Hiro le rusé navigateur est quasiment un anti-héros : il triche, il vole et il tue pour arriver à ses fins. Mais c’est un grand constructeur de bateaux et un explorateur.
Hono’ura élevé dans une grotte, a un puissant mana, il est capable de grandir à volonté et venge les méfaits faits à sa famille
Rata l’explorateur découvre de nombreuses îles et vainc le bénitier géant qui a avalé ses ancêtres.
Le culte
Les affaires religieuses sont séparées de la gestion "civile". Le but du culte est de s’assurer la bénédiction des dieux et d'éviter leur colère. Cela implique un respect scrupuleux des rituels et des tabous. Le contact entre le sacré (ra'a) et le profane (noa) est dangereux pour les êtres noa, c'est pourquoi de nombreux tabous entourent les cérémonies religieuses.

Des cérémonies dirigées par les tahu’a pure, assistées de muhu et d’opu-nui, ont lieu sur les marae, les temples tahitiens. La plus importante est la cérémonie de convocation des dieux. Lors de la cérémonie, les dieux sont invoqués par les tahu’a pure dans les to’o, des statues habillées de plumes jaunes et rouges à l’effigie des dieux. La statue n’est pas le dieu, elle est son réceptacle durant la cérémonie. Une fois le dieu présent dans le to’o, des sacrifices lui sont présentés et des requêtes lui sont faites. Ensuite, la cérémonie prend fin quand le tahu’a pure congédie le dieu.
Cette cérémonie est précédée d'une période de trois jours durant laquelle de nombreux tabous et obligations sont décrétés. Un silence absolu doit être respecté, même par les animaux dont les propriétaires sont tenus responsables des troubles qu’ils pourraient causer (ils peuvent même être sacrifiés).

Il existe également d’autres types de cérémonies, comme la présentation des dieux (les to’o arrivent par pirogue et sont conduits jusqu’au marae), les différentes étapes de la vie d’un ari’i régnant (puberté, mariage, mort, etc.), les prémices d’une guerre, les saisons, etc. En général, ces cérémonies sont accompagnées de sacrifices ou d’offrandes : il peut s’agir uniquement de végétaux (la première igname, des feuilles de bananier...), mais les poissons, les cochons et les hommes sont également l’objet de sacrifices.

Lorsqu’un sacrifice humain est nécessaire, le grand prêtre (tahu’a rahi) en informe l’ari’i régnant. Celui-ci envoie alors une pierre noire au chef d’un district qui choisit une personne et le désigne à ses guerriers. Ceux-ci tuent l’homme par surprise d’un coup de massue sur
Les cérémonies religieuses ne s'arrêtent pas à ces grandes cérémonies qui mobilisent toute la communauté. Les prêtres et aussi les orou (chamanes), sont consultés pour tout acte important, pour accomplir une bénédiction, les Tahitiens leur confient alors une offrande ou un petit sacrifice. Les orou sont requis pour des usages privés, des bénédictions mineures, la divination, la magie et la guérison. Les sorciers sont des orou particulièrement rompus dans l'art de faire du mal.
Chaque personne d’une catégorie sociale donnée connait un certain nombre de prières (upu) dans son activité. Ainsi les chefs connaissent la façon de bénir une arme, d'honorer les ancêtres, et les pêcheurs celle de bénir les hameçons. Toute erreur dans la prière, tout lapsus, toute hésitation peut entraîner des conséquences catastrophiques, pouvant aller jusqu’à
Les dieux envoient de nombreux signes dans la nature et les tahu’a ont également pour rôle de lire ces présages. Des cérémonies ont pour but de s’assurer de l’accord des dieux et de déterminer la destinée probable d’une action : guerre, construction ou expédition.
Les marae se présentent, pour les plus grands, comme de grandes esplanades rectangulaires en pierre, parfois à plusieurs niveaux, qui sont entourées d’une enceinte. Cette enceinte prend souvent la forme d’un muret. Les marae familiaux ne sont en général qu’un tas de pierre ou un petit dallage.

La plupart des plantes et des animaux qui vivent dans l’enceinte du marae sont considérés comme tabous et leur consommation est interdite, sauf pour les prêtres et leurs assistants. Parmi ces animaux et ces plantes sacrés, l’arbre Ti est particulièrement entouré de respect et ses feuilles servent pour la plupart des cérémonies. Cette règle est également vraie pour les hommes qui se réfugient dans les marae et qui, ainsi, ne peuvent pas être poursuivis. Dans la même logique, les sacrifices humains se font dans la mesure du possible sans effusion de sang et la mort est donnée à l’extérieur du marae, par surprise.

Les marae comme les hommes ont des filiations, la première pierre d’un marae vient d’un autre marae, son marae père. Ainsi, il existe une hiérarchie de marae, du plus prestigieux jusqu’aux « marae » de familles de manahune. Le marae le plus prestigieux est celui de Taputapu-atea près du village d’Opoa à Havai’i ; il est consacré à ‘oro.

Chaque plante, chaque être, chaque chose est pour le maohi animé d'une force vitale, d'un esprit. Le monde est donc peuplé d'esprits de toute sorte : les esprits sont des personnifications de forces de la nature, des êtres qui vivent dans le monde des dieux (po, rohutu-noa et dans un des ciels) ou encore l'esprit des morts.

Parmi tous ces esprits, les maohis distinguent deux grands types d´esprits : les ´oromatua et les varua. Les ´oromatua sont les âmes des morts n’ayant pas rejoint le Po ou revenant de cette contrée des ténèbres pour se venger et semer le mal. Ils sont très craints. Les varua vivent dans le monde des vivants (ou des dieux) et sont attachés à certains types d´animaux, de végétaux, de minéraux ou à des lieux.
Les maohis distinguent parmi les varua trois catégories d’esprits. Les voici des moins meurtriers aux plus destructeurs :
- les esprits du bois : les esprits du bois sont des varua des éléments végétaux et des animaux des bois,
- les esprits de la pierre : les esprits de la pierre sont des varua des éléments minéraux et de lieux à l’intérieur des terres,
- les esprits du corail : les esprits du corail sont des varua du corail, des animaux marins, des récifs et de la mer.
Parmi les ‘oromatua, les maohis distinguent :
- les ‘oromatua ‘ino qui sont des esprits de défunts n’étant pas allés dans le po, ils cherchent généralement à commettre des méfaits sur les vivants,
- les ancêtres qui veillent sur leurs descendants et l’honneur de leur famille. Cela ne les empêche pas d’être sourcilleux sur le respect qui leur est dû,
- les aiea, les fantômes maritimes.
Une grande partie de la magie tahitienne consiste à faire entrer des esprits dans le corps d'une victime par des enchantements appelés pifao.
Les sorciers, appelés feia tahutahu ou orou, utilisent des ti´i, des amulettes représentant Ti´i, le premier homme, comme les tahu´a pure utilisent des to´o. Le ti'i est un réceptacle pour un esprit. Les orou prennent grand soin de leur ti´i : ils les habillent de beaux tapas et de plumes, les oignent de monoi, leur offrent des cadeaux et les promènent. Ils leur lient certains esprits qui deviennent les fils du sorcier, leur fetii. Ils communiquent avec eux par l´intermédiaire d´un coquillage.
Les sorciers ont grand peur de leur ti´i et font très attention de ne jamais les offenser.
Pour réaliser un pifao (enchantement), il faut que le sorcier se procure un tupu, un objet contenant l´essence de sa victime. Cela peut être des cheveux, des excréments, un vêtement, des ongles. Ils exhortent alors les esprits qu’ils ont conjurés dans leur ti´i à détruire la victime.

Certains esprits se dirigent alors vers leur victime en marchant sous la forme de leur ti´i, ils sont alors visibles. D´autres passent par le sol et sont alors invisibles.
Les marae emploient de nombreux sorciers chargés de s’occuper d’esprits sous la protection des dieux. Un fare ti’i (maison des ti’i) souvent placé en hauteur sur un tronc abritent les ti’i des esprits associés au marae. Ces sorciers et les prêtres du dieu Ro’o-te-ro’o peuvent réaliser des exorcismes (‘apa). Il faut d’abord que le sorcier ou le médecin apprenne de l’esprit son nom et son type pour ensuite incanter les bonnes formules. Le retrait de certains esprits, comme les esprits du corail, est extrêmement douloureux.
Une variante de la magie de l'esprit est la magie des ancêtres. Elle permet de communiquer et d'obtenir leur bénédiction. Les ancêtres peuvent être aussi acariâtres que des varua ou des 'oromatua. La famille doit déterrer régulièrement les os de l'ancêtre, les oindre et les parfumer, pour qu’il soit favorable.
Les prières
Les prières, les 'upu, sont des déclamations à accomplir pour toute une série d'activités de la vie afin d'obtenir la bénédiction des dieux et des esprits. Ces prières ont un texte précis ; se tromper, faire un lapsus, écorcher un mot peut avoir des conséquences très néfastes. Il existe des prières pour tout : la pêche, l'agriculture, la construction d'une maison, d'un bateau, pour se prémunir des esprits mauvais, pour la guerre, pour l'absorption du 'ava, pour le heiva, pour la réussite au combat de coq...
Les incantations
La parole est sacrée, la parole est puissante. Elle sert pour séduire les femmes, pour ridiculiser, pour se vanter, pour faire croire le plus incroyable bobard, mais aussi elle peut déclencher des forces incommensurables. Il existe donc toutes sortes d'incantations qui permettent d'obtenir des effets variés. Elles sont généralement des secrets familiaux jalousement gardés.
La magie divine
La magie divine est pratiquée par les tahu'a pure, elle permet l'intervention directe des dieux et dans une moindre mesure par tous ceux qui ont un rôle religieux : ‘arioi, artisans, orou ou opu-nui .
Les effets des sorts divins sont différents selon la situation. Si le tahu'a pure effectue son sort en présence du dieu sur le marae, les effets sont dévastateurs, mais s'il le fait sans convoquer le dieu ou à l'extérieur du marae, les effets sont moindres.
Un sort terrible est pratiqué sur le champ de bataille. Il nécessite de s’emparer de la première victime de la bataille, de lui faire subir un ficelage spécial, le 'aha-tu, et de lui lancer une malédiction qui condamnera à la stérilité toute sa famille.